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La restauration du Mebon Occidental d' Angkor

Lors de mon passage à Siem Reap, j’ai pu rejoindre Simon Leukx, architecte du patrimoine, actuellement en poste à l’École française d’Extrême Orient (EFEO) de Siem Reap. Cet amoureux des vieilles pierres m’a ouvert les portes du chantier de restauration du Mebon occidental, sur le légendaire site archéologique d’Angkor.

La visite d’un chantier colossal qui allait s’annoncer passionnante.

L’histoire de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) est intimement liée à la redécouverte des temples d’Angkor. En 1907, cette institution se voit confier l’inventaire et la préservation du site. Au-delà d’une simple mission archéologique, cet établissement réunit ethnologues, anthropologues, linguistes, archéologues et architectes pour une approche pluridisciplinaire de l’histoire et des cultures orientales. Dans les années 90, l’EFEO a supervisé la restauration de certains sites splendides d’Angkor, dont la terrasse du roi lépreux et la terrasse des éléphants. La dernière restauration du temple montagne du Baphuon, achevée en 2008 est sans conteste la plus passionnante, tant par son histoire riche en rebondissements, que par sa méthodologie de travaux unique. (http://www.efeo.fr/temple_Baphuon/ )

Avant notre visite, Simon m’introduit l’histoire du site du Mebon occidental. Après m’avoir présenté le chantier, il me narre les anecdotes de fouilles et le destin des chercheurs passionnés l’ayant précédé. Dans ces récits de mémoire d'archéologue, l’historique se mêle au mythique, donnant une atmosphère plus que mystiques, à ce lieu sacré.

Dans son état originel, ce temple carré, d’environ 100 mètres de côté reproduisait un bassin, au centre duquel était disposé un sanctuaire. Le bassin était entouré de gradins de grés et de quatres murs d'enceintes, comportant chacun trois tours-portes.

Le lendemain des présentations, à l’aube, je rejoins l’équipe de l’EFEO pour prendre la direction du chantier. L’île temple du Mébon occidental se situe au centre de l’immense réservoir artificiel du Baray occidental. Durant la saison des pluies, le site n’est accessible que par bateau. Ce matin, étant en saison sèche, notre pick-up slalome entre les troupeaux de buffles pour rejoindre notre île au loin.

Lors de ma visite, ce chantier démarré en 2012 était à la moitié de sa réalisation. Enrichi des erreurs passées, et de l’ébauche de restauration entamée dans les années 40, un diagnostic des pathologies a été réalisé, afin de proposer un modèle de restauration le plus pérenne possible.

Comme sur la plupart des temples angkoriens, la superstructure n’est constituée que d’une coquille de pierre remplie de sable. Ce noyau “château de sable” expose la structure à d’importants désordres, principalement causés par les intempéries et la végétation. Dans le cas du Mébon, la migration de l’eau du réservoir dans la digue de sable a provoqué l’ affaissement des gradins de pierre.

Une intervention avec une simple remise d’aplomb des blocs de grès, comme cela a été fait dans les années 40, aurait été vaine; les blocs se retrouvant par terre quelques décennies plus tard. Sans un soutènement meuble, la digue de sable continuerait de glisser , entraînant dans son affaissement les blocs de pierre.

Ainsi, le principal enjeu du site n’était pas seulement une problématique de restauration, mais une vraie étude de géotechnique pour assurer la stabilité dans le temps des gradins.

Ce traitement “à la racine” de ce problème géotechnique a nécessité une anastylose de l’édifice, c’est a dire une dépose et repose complète pierre par pierre, comme cela avait été fait sur le Baphuon.

Pour traiter ce problème de glissement, des gradins, des soutènements en béton, étaient envisageables, comme cela a été fait sur le Baphon. Après des échanges entre les différentes équipes scientifiques internationales, une solution de soutènement en sable compacté a été retenue. Après avoir démonté les gradins jusqu’a retrouver un substratum d’argile stable, les gradins sont remontés rangés par rangés, le sable compacté est contenu entre des strates de géotextile.

Lors de mon passage, le chantier se présentait dans ses 3 phases de travaux. La progression se faisait de manière continue d’ Ouest en Est. Ainsi, sur la partie ouest du site, les dernières rangées de gradins étaient en cours de montage, pendant que les équipes procédaient au marquage et à la dépose des gradins Sud et Nord.

Le processus de repose comprend un important travail de taille et de calage des blocs de pierre. Le lit de pierre reconstitué doit être parfaitement de niveau et d’aplomb pour accueillir le lit supérieur. Une fois la rangée de blocs en place, la couche de sable est coulée. Équipés de leurs compacteurs, les compagnons transforment ce remblai de sable en une couche ferme et dense.

Ce chantier de plus de 60 compagnons est coordonnés par Dominique Thollon, compagnon tailleur de pierre, ancien chef de chantier de la restauration du Baphuong. Sous une chaleur assommante, le bruit des burins rythme la vie de ce chantier isolé sur son île.

Le bal des grues et des manuscopiques alimente en pierre et en sable le gradin Ouest. Dominique et Simon suivent attentivement le démontage du gradin nord, et expertise les pierres fraîchement déposées.

Dans le dépôt lapidaire entourant la zone de travaux, les pierres moulurées du mur d’enceinte attendent patiemment la remontée des gradins pour de nouveau surplomber l’étendu d’eau du Baray retrouver toutes leurs superbes

Ce chantier colossal devrait se poursuivre pendant encore 2 années, et redonner toute sa splendeur à ce temple flottant sur l’eau.

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